Histoire et mémoires et de la guerre d'Algérie
Consigne : Après avoir présenté votre acteur et son positionnement durant la guerre d’Algérie, vous mettrez en évidence les mémoires qu’il conserve de ce conflit avant de montrer le degré de prise en compte de ces mémoires (oubli, reconnaissance, instrumentalisation) en France et en Algérie jusqu’à nos jours.
Qui sont les insoumis et les soutiens au Front de libération nationale (FLN) ? (4/9)
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Francis Jeanson, itinéraire d'un intellectuel engagé
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Benjamin Stora raconte Francis Jeanson, le «porteur de valises»
Dans la mémoire collective, Francis Jeanson symbolise les «porteurs de valises», ces militants français qui transportaient argent et faux-papiers pour les combattants indépendantistes opérant en mé...
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Algérie, Manifeste des 121. «Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie»
1960. Cet appel, qui prône la désobéissance militaire et l'indépendance de l'Algérie, est l'un des plus célèbres brûlots du siècle. Il fut d'emblée censuré.
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L'engagement d'intellectuels pour la cause indépendantiste

Certains Français apportent une aide matérielle et financière au FLN. Leur réseau est démantelé, ils sont condamnés à 10 ans de prison en octobre 1960. 121 intellectuels, parmi lesquels Jean-Paul Sartre, signent un manifeste pour défendre le droit à l'insoumission.

Pour les Algériens, la lutte poursuivie soit par des moyens militaires, soit par des moyens diplomatiques, ne comporte aucune équivoque. C'est une guerre d'indépendance nationale. Mais pour les Français, quelle en est la nature ? (...) Ni guerre de conquête, ni guerre de "défense nationale", ni guerre civile, la guerre d'Algérie est peu à peu devenue une action propre à l'armée et à une caste. (...) Faut-il rappeler que, quinze ans après la destruction de l'ordre hitlérien, le militarisme français, par suite des exigences d'une telle guerre, est parvenu à restaurer la torture. (...) Nous respectons et jugeons justifiée la conduite des Français qui estiment de leur devoir d'apporter leur aide et protection aux Algériens opprimés au nom du peuple français. La cause du peuple algérien, qui contribue de façon décisive à ruiner le système colonial, est la cause de tous les hommes libres.

Vérité-Liberté, 6 septembre 1960.

La réponse d'intellectuels : le contre-manifeste

C'est une imposture de dire que la France "combat le peuple algérien dressé pour son indépendance". La guerre en Algérie est une lutte imposée à la France par une minorité de rebelles fanatiques, terroristes et racistes, conduits par des chefs dont les ambitions personnelles sont évidentes - armés et soutenus par l'étranger. C'est commettre un acte de trahison que de calomnier et de salir systématiquement l'armée qui se bat pour la France en Algérie. Nul n'ignore, au surplus, qu'à côté des tâches qui lui sont propres, cette armée accomplit depuis des années une mission civilisatrice, sociales et humaine à laquelle tous les témoins de bonne foi ont rendu publiquement hommage. C'est une des formes les plus lâches de la trahison que d'empoisonner, jour après jour, la conscience de la France et de faire croire à l'étranger que le pays souhaite l'abandon de l'Algérie et la mutilation du territoire.

Texte qui recueille 185 signatures d'intellectuels et de personnalités, Le Figaro, 7 octobre 1960.
Arrêtée le 10 février (...) et inculpée seulement le 15 mars, Djamila est demeurée 33 jours séquestrée dans un de ces locaux de torture qu'on baptise "centres de tri". Pendant tout ce temps, rien, aucune autorité, aucun contrôle ne l'a défendue contre les violences qu'il plaisait à ses bourreaux d'exercer contre elle. (...) Quand des dirigeants d'un pays acceptent que des crimes se commettent en son nom, tous les citoyens appartiennent à une nation criminelle. Consentirons-nous à ce que ce soit le nôtre ? L'affaire de Djamila Boupacha concerne tous les Français. Si le gouvernement atermoie, c'est à l'opinion de faire pression sur lui, d'exiger impérieusement le renvoi du procès de Djamila, l'aboutissement de l'enquête qu'elle réclame, une sûre protection pour sa famille et ses amis, et pour ses bourreaux les rigueurs de la loi.

Simone de Beauvoir, "Pour Djamila Boupacha", Le Monde, 2 juin 1960.
 
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POUR DJAMILA BOUPACHA

Simone de Beauvoir lance un appel en faveur de Djamila Boupacha, militante du FLN défendue par l’avocate Gisèle Halimi, à la veille de son procès.

CE qu'il y a de plus scandaleux dans le scandale c'est qu'on s'y habitue. Il semble pourtant impossible que l'opinion demeure indifférente à la tragédie qu'est en train de vivre une jeune fille de vingt-deux ans, Djamila Boupacha.
En septembre 1959 une bombe - qu'on désamorça avant qu'elle eût explosé - fut placée à la Brasserie des Facultés d'Alger. Cinq mois plus tard Djamila Boupacha fut arrêtée. Son procès va s'ouvrir le 17 juin ; aucun témoin ne l'a identifiée, il n'existe pas contre elle l'ombre d'une preuve. Pour établir sa culpabilité il fallait des aveux : on les a obtenus. Dans la plainte en séquestration et tortures qu'elle vient de déposer, Djamila les rétracte et elle décrit les conditions dans lesquelles elle les a passés. Un grand nombre de témoins dont elle cite les noms et les adresses sont prêts à confirmer les faits qu'elle rapporte. L'accusée et son avocat, Me Gisèle Halimi, réclament qu'une enquête les établisse officiellement avant l'ouverture du procès. (...)
Il n'est plus au pouvoir de personne d'effacer les sévices qui lui furent infligés ni ceux que subirent son père et son beau-frère, mais on peut encore enrayer la marche de l'injustice. On peut, on doit reculer le procès jusqu'à ce qu'on ait élucidé les circonstances dans lesquelles Djamila a parlé. Si nos dirigeants ne se décidaient pas à agir en ce sens, ils admettraient ouvertement que la justice n'est plus en Algérie qu'une parodie sinistre, contrairement à leurs déclarations publiques, ils consentiraient à ce que la torture soit systématiquement utilisée comme préalable à l'information judiciaire.

D'autres mesures s'imposent. Le père, le frère, le beau-frère de Djamila, sont internés, sa mère reçoit des visites menaçantes de militaires qui brisent chez elle portes et fenêtres ; ils sont en danger ; les témoins cités par Djamila et prêts à déposer en sa faveur risquent de " disparaître " comme tant d'autres ont disparu. Le gouvernement doit assurer efficacement leur protection.

Ce n'est pas tout ; jusqu'ici aucun tortionnaire n'a jamais été inquiété. Les hommes qui interrogèrent Djamila continueront-ils à mener paisiblement leurs atroces activités ? Il est temps de leur prouver que dans cette Algérie qu'ils disent française ils ne peuvent pas violer impunément les lois de la France. Le vieil Abdellaziz Boupacha, exténué et éperdu, a crié désespérément : " De Gaulle a interdit la torture ! - De Gaulle, répondit le capitaine qui dirigeait les opérations, qu'il fasse la loi chez lui ; ici, c'est nous les maîtres !" (2).

Si le gouvernement hésitait à sévir, il confirmerait ces arrogantes paroles, il avouerait avoir définitivement renoncé à se faire obéir par des militaires d'Alger, et abandonnerait l'Algérie à l'illégalité, à l'arbitraire, aux caprices sauvages de quelques enragés.

Par cette abdication c'est la France entière qu'ils trahiraient, c'est chacun de nous, c'est moi, c'est vous. Car, soit que nous les ayons choisis, soit que nous les subissions à contrecœur, nous nous trouvons bon gré mal gré solidaires de ceux qui nous gouvernent. Quand des dirigeants d'un pays acceptent que des crimes se commettent en son nom, tous les citoyens appartiennent à une nation criminelle. Consentirons-nous à ce que ce soit le nôtre ? L'affaire de Djamila Boupacha concerne tous les Français. Si le gouvernement atermoie c'est àl'opinion de faire pression sur lui, d'exiger impérieusement le renvoi du procès de Djamila, l'aboutissement de l'enquête qu'elle réclame, une sûre protection pour sa famille et ses amis, et pour ses bourreaux les rigueurs de la loi.
Le tribunal militaire de Bordeaux vient de relaxer en leur accordant le bénéfice du doute, le commandant du groupe mobile de sécurité Jean Biraud et ses cinq hommes, accusés d'avoir provoqué le décès du sergent Madanl Saïd ; à la suite de l'interrogatoire auquel ils le soumirent, Madani Saïd mourut, le poumon perforé par une côte

Par SIMONE DE BEAUVOIR Publié le 02 juin 1960 Le Monde

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Affiche du film de René Vautier, Avoir 20 ans dans les Aurès, 1972.
Premier film français à montrer les exactions de l'armée française durant la guerre d'Algérie, il est récompensé au festival de Cannes l'année de sa sortie. Son réalisateur a dû entamer une grève de la faim avant d'obtenir un visa d'exploitation pour son film.