Histoire et mémoires et de la guerre d'Algérie
Consigne : Après avoir présenté votre acteur et son positionnement durant la guerre d’Algérie, vous mettrez en évidence les mémoires qu’il conserve de ce conflit avant de montrer le degré de prise en compte de ces mémoires (oubli, reconnaissance, instrumentalisation) en France et en Algérie jusqu’à nos jours.
Qu'est-ce qu'un appelé ? - (2/9) "La guerre d'Algérie. Histoire commune, mémoires partagées ?"
Original link
Mémoires d'appelés, mémoires blessées. Soixante ans de silence
Les armes se sont tues il y a plus de soixante ans, et pourtant le souvenir de ce conflit, emblématique de la décolonisation, ne cesse de hanter la France.
Original link
La Guerre sans nom à la télévision

C'est le film La Guerre sans nom de Bertrand Tavernier et Patrick Rotman, sorti en salles en février 1992 et diffusé sur Canal Plus en mars 1993, qui fait date. Dans ce film, quatre heures durant, des soldats français racontent leur guerre d'Algérie. (...) Les appelés racontent l'ordinaire de la guerre, avec les gardes, les marches, les embuscades, les accrochages ou les ratissages et, par-dessus tout, la peur permanente. Ils évoquent la grande fraternité des hommes des casernes, la vie du trouffion sous la tente ou dans le djebel. (...) Ils expliquent le travail quotidien, celui de l'électricien qui répare le barrage à la frontière tunisienne, la construction d'écoles ou de maisons, les camps de regroupement où l'on parque les populations musulmanes, les soins aux Algériens dispensés par le médecin militaire.
Et puis jaillissent quelques phrases, à la fois pudiques et terribles, sur les sévices, les viols, les vols, les brutalités, les meurtres, l'incendie des "mechtas" (hameaux), les représailles contre les civils, parce que l'ordinaire de la guerre d'Algérie c'était aussi cela. De retour au pays, ces hommes sont malades, anxieux, instables, brutalement vieillis par 27 mois de guerre. Leurs nuits sont peuplées de cauchemars. Certes, pour la plupart d'entre eux la vie finit par reprendre le dessus. Il reste le souvenir ému d'une aventure de jeunesse et celui, amer, d'avoir participé à une guerre inutile. (...) La télévision s'avère être un outil très puissant pour réveiller la mémoire et accompagner le travail de deuil collectif.

Patrick Eveno, "Paroles de soldats en guerre d'Algérie", Le Temps des médias, vol. 4, n° 1 , 2005.
Photographie du Mémorial de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (1952-1962), quai Branly à Paris, inauguré le 5 décembre 2002 par le président de la République Jacques Chirac
1. Noms et prénoms des 23 000 soldats et harkis morts pour la France en Afrique du Nord défilant en continu.
2. Messages rappelant la période de la guerre d'Algérie et le souvenir des disparus après le cessez-le-feu.
3. Borne interactive située au pied de la colonne qui permet aux visiteurs de voir s'afficher le nom d'un soldat.
4. "A la mémoire des combattants morts pour la France lors de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, et à celle de tous les membres des forces supplétives, tués après le cessez-le-feu en Algérie, dont beaucoup n'ont pas été identifiés".
 
Le récit d'un appelé du contingent français

Étienne Huc a attendu d'avoir 77 ans pour raconter. Il était un des appelés du contingent qui ont fait, après 6 mois de classes, 22 mois de service en Algérie.

"Ce qui s'était vraiment passé en Algérie de 1954 à 1962 ? Je n'aimais pas en parler. Je ne voulais pas en parler. Et d'ailleurs personne n'avait envie d'écouter. Cela ne suscitait que des airs gênés". En 1960, lorsque Étienne Huc revient, à 23 ans, dans son Lot-et-Garonne, le mur du silence s'installe. "Nous, les appelés, nous partions du principe qu'on ne nous comprenait pas, que nous venions d'une autre planète." Pendant que dans son voisinage chacun continuait à ramasser des champignons et à participer aux fêtes votives, lui avait risqué sa vie de longues nuits à surveiller les rails de chemin de fer entre Constantine et Skikda, pour empêcher le FLN d'y déposer des mines. Il pouvait à tout moment sauter sur un explosif ou tomber dans une embuscade tout aussi fatale. "Jamais je n'ai eu aussi peur". (...) Il s'imaginait instituteur - il venait juste d'avoir son diplôme. Il fut affecté à l'infanterie coloniale en Algérie. Certes, en jeune appelé, on ne lui impose pas de participer aux "corvées de bois" (surnom donné aux exécutions de prisonniers après leur interrogatoire). Mais c'est à l'étage au-dessus de sa tête que sont menés les interrogatoires des fellaghas (soldats du FLN) arrêtés, pendant que lui assemble les photographies aériennes au bureau des renseignements.

Entretien avec Marie Verdier, La Croix, 26 janvier 2018.