Militant communiste, Henri Alleg dirige le journal Alger républicain. Il participe à des réseaux d'aide au FLN. Il est arrêté le 12 juin 1957 à Alger. Il témoigne de son expérience dans un livre écrit en cachette en prison.
Il y a maintenant plus de trois mois que j'ai été arrêté. (...) Des nuits entières, durant un mois, j'ai entendu hurler des hommes que l'on torturait, et leurs cris résonnent pour toujours dans ma mémoire. J'ai vu des prisonniers jetés à coups de matraque d'un étage à l'autre et qui, hébétés par la torture et les coups, ne savaient plus que murmurer en arabe les premières paroles d'une ancienne prière. Mais depuis, j'ai encore connu d'autres choses. J'ai appris la "disparition" de mon ami Maurice Audin, arrêté vingt-quatre heures avant moi, torturé par la même équipe qui ensuite me "prit en mains". (...) J'en ai vu d'autres : un jeune commerçant de la Casbah, Boualem Bahmed, dans la voiture cellulaire qui nous conduisait au tribunal militaire, me fit voir de longues cicatrices qu'il avait aux mollets. "Les paras, avec un couteau : j'avais hébergé un FLN". De l'autre côté du mur, dans l'aile réservée aux femmes il y a des jeunes filles dont nul n'a parlé (...) : déshabillées, frappées, insultées par des tortionnaires sadiques, elles ont subi elles aussi l'eau et l'électricité.
Henri Alleg, La Question, Paris, Éditions de Minuit, 1958.