Les mécanismes de rupture du lien social
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La fracture numérique se réduit mais persiste entre les territoires

Selon une étude de Terra Nova, la couverture française en fibre optique s’améliore mais reste inégale : fin 2020, 60 % du pays était connecté, mais les zones rurales et périphériques étaient toujours sous-équipées.

Lors de l’installation d’un cable électrique et de fibre optique entre Quiberon et Belle-Ile-en-Mer (Morbihan), en 2015. JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

Le cercle de réflexion Terra Nova a entrepris de passer au crible vingt-cinq politiques publiques considérées comme des « priorités gouvernementales » pour en mesurer les résultats. Après la publication, mardi 13 avril, d’une note sur le déploiement des maisons France services, il livre, vendredi 16 avril, une nouvelle étude sur la couverture du territoire en fibre optique. Le plan France très haut débit (PFHTD) lancé en 2013, consolidé en 2018 par le « new deal » mobile, prévoyait que la fibre optique jusqu’à l’abonné (fiber to the home, FttH) ou jusqu’à l’immeuble (fiber to the building, FttB) serait déployée sur 80 % du territoire en 2022 et à l’ensemble en 2025.

Il s’agit d’un véritable enjeu de progrès social et économique. C’est, à ce jour, la technologie la plus performante en termes de débit et de qualité de la connexion. En 2020, selon le référentiel commun publié en février 2021 par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), 88 % de la population utilisaient Internet et 78 % en faisaient un usage quotidien. Résorber la fracture numérique, remédier aux inégalités d’accès est donc devenu une « priorité nationale ».

Fin 2020, selon les données de l’Arcep, 24,2 millions de foyers ou de bâtiments professionnels sur 40,6 millions, soit 60 %, étaient éligibles à une connexion en fibre optique. Cette proportion était de 22 % début 2017. La France se situe ainsi en tête des pays de l’Union européenne pour le nombre de locaux (logements et locaux professionnels) pouvant avoir accès à la FttH-FttB. L’effort n’est pas négligeable mais, pour atteindre l’objectif d’une couverture totale en 2025, il reste cinq ans pour parcourir le reste du chemin.

Retards dans les outre-mer

Le plan prévoyait un montant d’investissement initial de l’ordre de 20 milliards d’euros se répartissant entre 13 à 14 milliards pour les opérateurs privés (Orange, SFR, Bouygues, Altitude Infra, TDF), de 5 à 6 milliards pour les collectivités territoriales, 3,3 milliards pour l’Etat, 600 millions pour l’Union européenne, auxquels se sont rajoutés 240 millions de financement de l’Etat dans le cadre du plan de relance Covid-19. Il est désormais piloté, depuis 2020, par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Les progrès de couverture en très haut débit par la fibre optique recouvrent cependant des réalités très différentes. Dans les zones très denses (ZTD), soit 106 communes concentrant 11 millions d’habitants (17 % de la population), le taux atteint 85 %. Dans les zones dites d’« appel à manifestation d’intention d’investissement » (AMII), qui concernent environ 3 600 communes, principalement situées en périphérie des grandes villes, regroupant 25,5 millions d’habitants (38 % de la population), il est de 77 %. Enfin, dans les zones qualifiées de « réseaux d’initiatives publiques » (RIP, sans mauvais jeu de mots), situées en milieu rural, qui comptent environ 30 millions d’habitants (45 % de la population), le taux de connexion est à peine de 32 %.

Même au sein des ZTD, le taux de couverture reste très inégal. Des communes comme Cannes, Nantes, Nancy, Vénissieux, Toulon, Rouen, Bobigny, Vaucresson, Clermont-Ferrand ont un taux d’accès inférieur à 70 %, jusqu’à 46 % à Lille. A l’échelle régionale, les inégalités sont tout aussi frappantes : de 88 % en Ile-de-France à 39 % en Bourgogne-Franche-Comté pour ce qui concerne la métropole. Car, dans les outre-mer, les retards dans le déploiement de la fibre optique sont encore plus accablants, à l’exception de La Réunion, qui a débuté l’installation de la fibre optique dès 2011 sous l’impulsion du groupe Océinde, et qui atteint aujourd’hui un taux de couverture de 83 %. Pour les autres départements d’outre-mer, le taux d’accès va de 26 % en Guyane, 22 % en Guadeloupe à 21 % en Martinique. Et la fibre optique n’est toujours pas disponible à Mayotte. Si l’on descend à l’échelon départemental, hors outre-mer, les départements les moins couverts sont la Dordogne (13 %), l’Ardèche (14 %), la Haute-Saône (15 %), la Creuse et la Nièvre (17 %), les Hautes-Alpes et le Jura (19 %).

Des points de mutualisation

« La densité de population du territoire est le principal facteur explicatif des inégalités d’accès à une connexion en fibre optique », observe Terra Nova. En clair, plus le territoire est dense, plus vite l’investissement peut être rentabilisé. Ainsi, dans les zones très denses, les opérateurs avaient commencé à déployer la fibre optique avant même que soient mises en œuvre des politiques publiques incitatives.

Dans les zones situées davantage en périphérie, en revanche, il a fallu faire intervenir une autorité de régulation, l’Arcep, afin d’encourager à la mutualisation des réseaux. L’installation de points de mutualisation, ou chaque opérateur peut se connecter, permet de diminuer le coût de l’investissement. Le premier opérateur qui déploie son réseau de fibre optique est tenu de prévenir les autres et de leur donner accès au point de mutualisation. L’Arcep contrôle le respect des engagements et peut sanctionner financièrement les manquements constatés.

« Dans les zones RIP, l’intervention d’acteurs publics était nécessaire afin de pallier l’absence d’initiative privée et le manque de rentabilité à court et moyen terme des investissements, constate l’auteur de l’étude, Alexandre Mompeu-Lebel. L’Union européenne et, surtout, l’Etat subventionnent pour leur part les projets des collectivités territoriales. » Il a donc fallu attendre la mise en œuvre de politiques publiques pour que débute le déploiement. En outre, toutes les collectivités n’ont pas accordé la même priorité à la couverture en fibre optique de leur territoire et l’ingénierie pour lancer un projet d’équipement reste lourde.

« Le PFHTD a permis d’accroître considérablement le nombre de locaux éligibles à la fibre optique mais la fracture numérique autour du très haut débit par la fibre optique reste à ce jour très significative, conclut Terra Nova. La moitié de la population vit dans un territoire dans lequel seulement 30 % des locaux sont éligibles à la fibre optique tandis que l’autre moitié de la population vit dans un territoire où 80 % le sont. » Pour atteindre une couverture totale, il reste 16,5 millions de locaux à raccorder, alors que le coût des opérations s’accroît plus les zones à couvrir sont peu denses. Les derniers kilomètres ne sont jamais les plus faciles.

Patrick Roger, Le Monde, 16 avril 2021.
La fracture numérique se réduit mais persiste entre les territoires
Selon une étude de Terra Nova, la couverture française en fibre optique s’améliore mais reste inégale : fin 2020, 60 % du pays était connecté, mais les zones rurales et périphériques étaient toujours sous-équipées.
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REPORTAGE - Enjeu majeur pour le gouvernement pour diminuer les postes de dépenses en matière de services publics, l'accès au numérique n'est pas une réalité sur tout le territoire français. Deuxième épisode de notre reportage en Normandie, à Noues-de-Siennes, entre couverture réseau défaillante et illettrisme numérique.
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