Migrations et respect des libertés
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Axe 2 : Garantir les libertés, étendre les libertés :
les libertés en débat
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Loi « immigration » : ajouts, durcissement, censure… toutes les évolutions du texte, du projet initial à la version finale
Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi plus d’un tiers des articles du texte adopté dans la douleur le 19 décembre. « Le Monde » a retracé l’évolution de dix-huit mesures majeures.
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Que contient le pacte migration et asile adopté par le Parlement européen ?
Les députés européens ont adopté ce mercredi une série de textes qui renforcent les contrôles aux frontières de l'Union européenne, et réforment le mécanisme de répartition des demandeurs d'asile entre les États membres.
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France : les droits des personnes exilées menacés par un énième projet de loi
Le 6 décembre 2022 s'est tenu un débat sans vote à l’Assemblée nationale sur “la politique de l’immigration” en vue du nouveau projet de loi “asile et immigration” qui sera proposé par le gouvernement français et débattu début 2023. Depuis 30 ans, les textes relatifs à la politique migratoire de la France se succèdent et ont toujours les mêmes conséquences : le recul des droits des personnes exilées et la détérioration de leurs conditions d’accueil.
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Pourquoi les médecins s'inquiètent de la suppression de l'aide médicale d'État
Le Sénat a voté, mardi, la suppression de l'aide médicale d'État (AME) lors de l'examen du projet de loi immigration. Une décision immédiatement dénoncée par le personnel soignant et les associations…
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Loi immigration : ce que contient le texte adopté par le Parlement
Après 18 mois de revirements et rebondissements, le Parlement a approuvé définitivement mardi la loi sur l'immigration. Régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, délit de séjour irrégulier rétabli, accès aux allocations sociales et familiales... Que contient la nouvelle loi immigration ?
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Tribune : Patrick Weil, historien : « A Mayotte, le président choisit de modifier la Constitution, au risque d’un chaos politique, civique et constitutionnel »


Dans une tribune au « Monde », le directeur de recherche au CNRS conteste la pertinence de la réforme de la nationalité souhaitée par le gouvernement et rappelle que ce qui guide la migration dans l’archipel, c’est d’abord la survie, pas le droit du sol.

Qu’arrive-t-il au président de la République ? A peine refermé le laborieux périple d’une loi mineure sur l’immigration, qui a divisé le pays et sa propre majorité et affaibli l’Etat de droit, voilà qu’il remet du désordre politique. Pas sur n’importe quel sujet, sur la nationalité française. Et pas n’importe où, dans la Constitution elle-même ! Il veut la modifier afin de supprimer le droit du sol dans le département de Mayotte. L’objectif affiché est de dissuader les migrations venues principalement des Comores. Or, cela ne freinera aucune migration à Mayotte mais portera atteinte à l’indivisibilité de la République tout entière, dont l’un des fondements est le droit du sol. Le fait de devenir national par la simple naissance sur le territoire n’existe pas en droit français, alors que c’est la règle aux Etats-Unis. Si une femme mexicaine franchit la frontière pour accoucher aux Etats-Unis, son enfant est automatiquement américain. En revanche, une femme comorienne qui vient accoucher à Mayotte, ou partout ailleurs en France, ne met pas au monde un enfant français. Dans notre pays, le droit du sol est toujours conditionnel : on ne naît français sur le sol que si on a un parent déjà né sur le sol de France – c’est le « double droit du sol ». Si aucun de ses parents n’est né en France, l’enfant qui y voit le jour doit attendre ses 13 ans pour pouvoir réclamer la nationalité française.
Souveraineté incontestable de la République

A Mayotte, depuis une loi de 2018, il lui faut en outre prouver que l’un des parents résidait en France au moment de sa naissance, en situation régulière depuis au moins trois mois. Autant dire que les accédants à la nationalité y sont devenus plus rares. Cela n’a pas empêché des milliers de femmes de continuer de venir accoucher à Mayotte et de nombreux jeunes d’y débarquer. Si ce département est très pauvre au regard de notre moyenne nationale, il est dix fois plus riche que les îles comoriennes voisines. Ce qui guide la migration à Mayotte, c’est d’abord la survie, pas le droit du sol. C’est cette vérité qu’il faut avoir le courage de dire aux Mahorais. Tout l’inverse de ce que le président choisit de faire en proposant de modifier la Constitution, au risque d’un chaos politique, civique et constitutionnel. Politique, parce que sous le prétexte de Mayotte, c’est la suppression du droit du sol ou son statut dans l’ensemble de la République qui sont désormais à l’ordre du jour. C’est ce que réclament deux dirigeants des Républicains, Eric Ciotti, leur président, et Gérard Larcher, président du Sénat. Or, sans les voix des députés et sénateurs de ce parti, Emmanuel Macron ne peut faire adopter son projet de réforme constitutionnel.

Le droit du sol qui permet à l’enfant d’un étranger né et résidant en France de devenir français est présent dans notre droit depuis 1515. Quand, en 1889, s’y ajoute le double droit du sol, le principe devient un fondement de la République. Il s’applique progressivement et de plus en plus fermement au fil des générations : à la deuxième génération, l’enfant né et éduqué en France devient français à sa majorité, mais il peut encore, s’il le veut, renoncer à l’être ; à la troisième génération, il l’est irrémédiablement dès sa naissance. Sans intervention du droit du sol, les enfants d’étrangers, restant étrangers, échappent au service militaire. Il faut, au nom du principe d’égalité, supprimer ce passe-droit.

La République craint aussi que, sans intervention du droit du sol – les enfants d’étrangers restant étrangers génération après génération –, des enclaves étrangères ne se développent sur le territoire national, réclamant la protection diplomatique du pays d’origine, puis son intervention, et enfin la séparation de leurs territoires d’avec la France. Le droit du sol permet ainsi d’assurer la souveraineté incontestable de la République sur des jeunes devenus français.

La vérité sur la nationalité

Ce droit du sol républicain est tellement au fondement de notre identité nationale que même Vichy n’ose pas y toucher dans son projet de réforme antisémite de la nationalité, en 1943. Le maintien du droit du sol déclenche le veto de Berlin. L’Allemagne nazie refuse le projet du gouvernement de Pétain, car le droit du sol rendrait français les enfants de soldats allemands avec des Françaises et certains enfants juifs.

C’est enfin par le droit du sol que la très grande majorité des Français peuvent aujourd’hui prouver qu’ils sont français lors des demandes de carte d’identité ou de passeport. Même quand on est français par filiation, parce qu’on a un père ou/et une mère français, si l’on n’est pas né en France d’un parent né en France, on ne peut pas aisément démontrer sa nationalité. Remettre en cause le droit du sol, ce serait déstabiliser dans leur vie quotidienne des dizaines de millions de Français, sans compter notre administration.
Dans une monarchie, le roi ou la reine et la famille royale donnent sens au régime politique. En République, donc en France, c’est la Constitution qui joue ce rôle. Par elle, nous sommes une communauté de citoyens égaux devant la loi, unis par les valeurs, les principes et les droits que la Constitution affirme et garantit. Les exceptions n’y ont pas leur place. Pas plus la déchéance de la nationalité que la suppression du droit du sol à Mayotte, toutes deux du domaine de la loi simple et non de la Loi fondamentale.

Plutôt que de poursuivre un projet inutile et dangereux qui porterait atteinte à l’indivisibilité de la République sur laquelle sa fonction l’oblige de veiller, Emmanuel Macron devrait dire aux Mahorais et à tous les Français la vérité sur la nationalité, celle que la raison commande. Et travailler, sans perdre de temps, à toutes les urgences diplomatiques, économiques et sécuritaires que la tragique et complexe situation de Mayotte exige.


Patrick Weil (Historien et politologue, directeur de recherche au CNRS), publié dans le journal Le Monde le 20 février 2024.

En Italie, le suicide d’Ousmane Sylla, 22 ans, migrant guinéen, rappelle les conditions alarmantes dans les centres de rétention


Les conditions qui prévalent dans les dix centres de séjour pour les rapatriements, gérés par des prestataires privés, sont critiquées. Y sont placés des étrangers en situation irrégulière n’ayant pas fait de demande d’asile ou venant de pays sûrs et faisant l’objet d’une procédure d’expulsion.


Par Allan Kaval (Rome, correspondant)

Le suicide d’un détenu a lancé une nouvelle alarme sur la situation problématique des centres de rétention italiens et sur les conditions de vie qui y règnent. Dimanche 4 février, Ousmane Sylla, 22 ans, migrant guinéen, a mis fin à ses jours dans le centre de séjour pour les rapatriements (CPR) de Ponte Galeria, au sud-ouest de Rome. La mort du jeune homme a déclenché des protestations de la part d’autres détenus qui ont mis feu à leurs matelas et se sont confrontés aux forces de l’ordre. Ces dernières ont usé du gaz lacrymogène et ont arrêté quatorze personnes retenues dans le centre, à l’issue d’un épisode qui est loin d’être isolé.
Quelques jours avant son suicide, M. Sylla avait ainsi été transféré du CPR de Trapani, en Sicile, à la suite, là aussi, d’un mouvement de protestation des migrants détenus. Avant de se pendre, il a écrit sur le mur de sa nouvelle cellule : « Si je meurs, j’aimerais qu’on envoie mon corps en Afrique, ma mère en sera contente. Les militaires italiens ne connaissent rien sauf l’argent. L’Afrique me manque beaucoup et ma mère aussi, elle ne doit pas pleurer pour moi. Paix à mon âme, que je repose en paix. » Le parquet a ouvert une enquête pour incitation au suicide.

Grâce à son statut de parlementaire, le député et secrétaire général du parti libéral + Europa, Riccardo Magi, a pu se rendre, dimanche, à l’intérieur du CPR de Ponte Galeria, entre deux vagues d’affrontements avec les forces de l’ordre. « Comme dans tous les CPR que j’ai pu visiter, la situation à l’intérieur est indigne, dit-il au Monde. Les personnes détenues disent ne pas avoir eu de plat chaud depuis des semaines. Il n’y a pas d’eau chaude, pas de literie correcte, un état de saleté généralisé. Les détenus qui ne sont pas révoltés sont comateux à cause des psychotropes qui leur sont administrés pour les rendre inoffensifs. »
L’usage de médicaments à des fins de contrôle dans les centres de rétention a été établi par une enquête de la revue italienne Altreconomia. En dehors des rares travaux journalistiques de cette nature, qui recueillent des informations filtrant difficilement de l’intérieur, et des témoignages des parlementaires et garants des droits qui peuvent s’y rendre, la réalité de ces sites est largement invisible.

« Trous noirs juridiques »

Les CPR sont au nombre de dix en Italie, gérés par des prestataires privés, répartis sur l’ensemble du territoire, pour une capacité de l’ordre du millier de détenus. Les personnes qui y sont enfermées sont des étrangers en situation irrégulière n’ayant pas fait de demande d’asile ou venant de pays sûrs et faisant l’objet d’une procédure d’expulsion. « Les CPR sont des trous noirs juridiques, où tous les droits à la défense sont entravés, explique Salvatore Fachile, spécialiste en droit de l’asile au cabinet d’avocat Antartide, à Rome. Leurs téléphones étant saisis, les détenus ont des possibilités très limitées de communication avec l’extérieur et de contact avec des avocats pour contester leur détention. »
Fixée à trente jours, lors de la mise en place des centres de rétention de cette nature, en 1998, la limite de la période de détention a progressivement augmenté pour être portée, en 2023, à dix-huit mois, par le gouvernement dominé par l’extrême droite de la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni.
Le nombre de détenus passés par les CPR – moins de 6 400 en 2022 – ne représente qu’une fraction du nombre de personnes arrivées irrégulièrement sur le territoire italien, estimé à près de 158 000, et du nombre d’étrangers en situation irrégulière en Italie, soit plus de 500 000. De plus, les procédures d’expulsion sont complexes, et Rome ne dispose pas toujours d’un accord de réadmission avec les pays d’origine. Ainsi, selon le rapport de 2023 du garant national des droits des personnes détenues ou privées de liberté, au terme de leur détention dans les CPR, environ la moitié des étrangers concernés restent sur le sol italien, retournant le plus souvent à une situation d’illégalité.
Si l’efficacité des CPR est contestée par l’opposition, le gouvernement de Giorgia Meloni a répété l’objectif d’ériger un de ces centres de rétention dans chacune des vingt régions italiennes. Son ambition va même au-delà du territoire national. En novembre 2023, il a été conclu avec Tirana un accord pour l’installation de deux centres de rétention de droit italien en territoire albanais. Sur ces sites doivent être détenus des hommes – jugés non vulnérables et venant de pays sûrs – secourus hors des eaux européennes par les navires militaires italiens. En cours de ratification, cet accord permettrait la création de centres de rétention extraterritoriaux, plus éloignés encore des regards extérieurs.

Allan Kaval (Rome, correspondant), Le Monde, 7 février 2024.

MSF dénonce « des violences sans fin » dans les centres de détention de migrants à Tripoli


L’ONG publie un rapport sur les violences perpétrées contre les migrants détenus en Libye. Une conséquence directe, selon elle, des politiques d’externalisation des frontières et du contrôle migratoire mis en place par l’UE.


Médecins sans frontières (MSF) a mis un terme à sa mission à Tripoli en décembre, après plus de huit années de présence sur place à soigner et apporter une assistance humanitaire aux migrants, réfugiés et demandeurs d’asile enfermés dans les centres de détention de la capitale libyenne. L’organisation publie à cette occasion un rapport sur les violences perpétrées sur les migrants détenus par les responsables des centres d’Abou Salim et Ain Zara. De retour de Libye, Julie Melichar, responsable des affaires humanitaires de MSF et autrice du rapport, dénonce dans un entretien au Monde, un « cycle de violences sans fin sponsorisé par l’Union européenne ».

A quoi ressemblent ces centres de détention ?

Ce ne sont pas des prisons comme on les imagine, ce sont d’énormes hangars surpeuplés, localisés à différents endroits de Tripoli et dans le reste du pays, où s’entassent des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, principalement originaires d’Afrique de l’Ouest, du Soudan, d’Erythrée, de Syrie, de Palestine… Il y a beaucoup d’enfants et de mineurs non accompagnés, les plus jeunes sont nés dans les centres. En 2022, un quart de nos patients avait moins de 19 ans.
Comment ces personnes se retrouvent-elles détenues ?
La majorité des personnes interceptées en mer en tentant de fuir la Libye et ramenées de force par les garde-côtes libyens grâce au soutien matériel et financier de l’Union européenne finissent dans ces centres de détention. Il y a aussi des personnes arrêtées arbitrairement dans l’espace public, chez elles, sur leur lieu de travail, parfois lors de campagnes d’arrestations de masse.
Lire aussi notre enquête : Article réservé à nos abonnés Comment l’Europe a laissé Malte livrer en mer des migrants à une milice libyenne
Ces détentions sont totalement arbitraires. Les personnes sont arrêtées sans réelle raison et n’ont aucun moyen de contester leur détention ou de connaître sa durée. Leur seule solution est alors de tenter de fuir au péril de leur vie ou de payer d’importantes sommes d’argent à travers un système informel d’extorsion pour être libérées. Les différents rapports de l’ONU à ce sujet sont clairs : plusieurs de ces centres sous la responsabilité officielle des autorités pénitentiaires sont une entreprise dans laquelle sont impliquées des milices armées, responsables de divers trafics.

Quelles sont les conditions de vie dans ces centres ?

Les conditions sont désastreuses. Les gens dorment le plus souvent à même le sol. La nourriture est de mauvaise qualité et trop faible en quantité. L’eau manque, pour boire comme pour se laver. Les biens de première nécessité aussi : les femmes ont été obligées de fabriquer des protections hygiéniques avec des vieux tee-shirts ou des bouts de couvertures sales et des couches pour leurs enfants avec des sacs plastiques.

L’hygiène est catastrophique : les toilettes débordent souvent car elles ne sont pas adaptées à un si grand nombre de personnes. Je vous laisse imaginer l’odeur qui règne dans ce genre de lieu, c’est inhumain. Nous avons traité énormément de cas d’insomnies, de pensées suicidaires, de traumatismes psychologiques, de maladies de la peau, gastro-intestinales, directement liés à ces conditions inhumaines et aux mauvais traitements.

Ces personnes sont aussi soumises à d’autres formes de violence…

La liste des atteintes aux droits humains est malheureusement très longue. Nous avons recueilli de nombreux témoignages de violences sexuelles et de viols dans la prison d’Abou Salim. Quand les femmes et enfants arrivent à la prison, les gardes les forcent à se déshabiller, procèdent à des fouilles, en cherchant jusqu’entre leurs jambes et dans les couches des bébés, en touchant leurs zones intimes.
Dans tous les centres, nous avons observé des violences indiscriminées, des personnes battues avec des barres de fer, des tuyaux, des bâtons. Certains sont parfois soumis, sous la menace, au travail forcé. A Ain Zara, en 2023, on nous a rapporté cinq décès du fait de violences ou d’un manque d’accès à des soins médicaux.
L’Union européenne (UE) a-t-elle une responsabilité dans cette situation ?
Au fil des années, l’UE et certains Etats membres, dont l’Italie, ont mis en place un système pour s’assurer que les personnes ne puissent plus arriver sur son territoire depuis la Libye. Ils ont pour cela soutenu les garde-côtes libyens financièrement et matériellement, en leur livrant des bateaux. Des dizaines de milliers de personnes qui tentent de fuir le pays sont ainsi interceptées et renvoyées de force, en violation complète du droit international car le pays n’est pas considéré comme sûr. Elles y subissent des violences sans fin, qualifiées par l’ONU de « crimes contre l’humanité », puis tentent à nouveau de s’enfuir avant d’être interceptées. J’ai rencontré des personnes qui ont été renvoyées dix fois en Libye.
Ce dont MSF a été témoin dans les centres est la conséquence directe des politiques d’externalisation des frontières et du contrôle migratoire mis en place par l’UE. Elle est l’architecte de ce cycle de violences sans fin dans lequel se trouvent coincées des milliers de personnes.

Pourquoi avoir attendu de partir de Libye pour dénoncer ces violations ?

Nous sommes fondamentalement opposés à la détention arbitraire des personnes exilées en Libye et en apportant des soins dans ces centres, il y a le risque de légitimer voire faciliter l’existence de ce système. Cependant, il y avait un impératif humanitaire à tenter d’améliorer tant que possible leurs conditions médicales et humanitaires. A plusieurs reprises, MSF a dénoncé la situation dans ces centres, mais ça a toujours été un exercice d’équilibriste rempli de dilemmes éthiques pour maintenir un accès à ces personnes qui ont besoin d’aide et s’assurer de protéger nos collègues libyens.

Aujourd’hui, il y a un risque que les centres de détention deviennent des trous noirs complets parce que les seuls acteurs qui restent présents dans ces centres sont largement financés par des fonds européens et n’ont donc pas l’indépendance qu’a MSF pour dénoncer les graves atteintes aux droits humains.

Nissim Gasteli(Tunis, correspondance), Le Monde, 19 décembre 2023.

Loi « immigration » : plusieurs milliers de manifestants défilent contre la promulgation du texte


L’appel a été lancé par 201 personnalités, parmi lesquelles des artistes et des responsables syndicaux, soucieuses « de rassemblement et de solidarité plutôt que de division sans fin ». Le cortège parisien a réuni 16 000 personnes, selon la police.

Quatre jours avant une décision attendue du Conseil constitutionnel, une large coalition d’opposants à la loi « immigration » appelle à manifester dimanche 21 janvier contre la promulgation d’un texte qui consacre, selon eux, la victoire idéologique de « l’extrême droite ». En se ralliant à un appel lancé initialement par 201 personnalités, ces opposants espèrent rassembler au-delà de la sphère militante traditionnelle pour faire pression sur l’exécutif, qui pourrait promulguer rapidement le texte voté à la mi-décembre, sauf censure complète des conseillers de la Rue de Montpensier, le 25 janvier, ce qui constituerait une surprise.

Après la manifestation du 14 janvier, durant laquelle des milliers de personnes avaient défilé à l’appel d’associations de défense des immigrés, plus de 160 marches sont prévues dimanche, notamment à Paris, où le cortège s’est élancé à partir de 14 h 30 de la place du Trocadéro et était composé de 16 000 personnes, selon la préfecture de police. Plusieurs responsables de gauche, Manon Aubry (LFI), Marine Tondelier (EELV), Olivier Faure (PS) et Fabien Roussel (PCF) étaient présents et ont fustigé un exécutif « qui a ouvert le pont levis aux idées de l’extrême droite », selon M. Faure, premier secrétaire du Parti socialiste.

Dimanche matin, plusieurs centaines de personnes se sont réunies à Metz, et 800 personnes ont manifesté à Caen. A Lille, selon La Voix du Nord, près de 3 000 personnes ont défilé dans le centre-ville en fin de matinée. D’après France 3 Nouvelle-Aquitaine, environ 3 000 personnes se sont rassemblées à Bordeaux, place de La Bourse. A Strasbourg, 1 800 personnes selon la police, 3 000 selon les organisateurs, ont défilé dans les rues de Strasbourg dimanche après-midi. A Lyon, près de 2 000 personnes étaient attendues dans l’après-midi dans le cortège parti de la place Bellecour. Samedi, entre 3 000 et 4 000 personnes, selon les organisateurs, avaient défilé dans les rues de Toulouse.

« Soucieux de rassemblement et de solidarité plutôt que de division sans fin de notre société, nous demandons au président de la République de ne pas promulguer cette loi », écrivent les auteurs de l’appel à manifester, parmi lesquels de nombreuses personnalités du monde de la culture, comme la comédienne Josiane Balasko ou l’écrivaine Alice Zeniter.
« Rédigée sous la dictée des marchands de haine »

Pour ces signataires de tous horizons, dont les responsables de la CFDT et de la CGT, Marylise Léon et Sophie Binet, l’urgentiste Patrick Pelloux, ou encore le cofondateur de Mediapart Edwy Plenel, la loi « a été rédigée sous la dictée des marchands de haine qui rêvent d’imposer à la France leur projet de “préférence nationale” ». En cause, les nombreux ajouts du Parlement au texte initial, donnant une coloration très droitière à une loi qui devait reposer sur deux volets – l’un répressif pour les étrangers « délinquants », l’autre favorisant l’intégration. Le texte comprend désormais de nombreuses mesures controversées, comme le durcissement de l’accès aux prestations sociales, l’instauration de quotas migratoires, ou le rétablissement du « délit de séjour irrégulier ».
Lire le décryptage : Loi « immigration » : tout ce qui a changé entre le projet initial, la version du Sénat et de l’Assemblée et celle de la CMP

« Les manifestations [de dimanche] doivent démontrer que l’opinion n’est pas avec les racistes et les fascistes », a exhorté vendredi le collectif militant Marche des solidarités, en première ligne dans la rue depuis plusieurs semaines. Après les syndicats, plus de 300 élus de gauche et écologistes ont aussi appelé, dans Libération, à manifester contre un texte consacrant la « victoire culturelle de l’extrême droite sous les dehors aimables du “en même temps” ». « Cette loi bafoue des principes issus de la Révolution française », ont fustigé ces élus, dont l’édile de Lille, Martine Aubry (Parti socialiste).

Le Monde, 21 janvier 2024.