Mers et océans :
maritimisation, tensions, protection
Travail de la RQP : construire un plan détaillé
Le dessous des cartes - Poissons : une pêche mondialisée - Regarder l’émission complète | ARTE
Le secteur de la pêche n’a pas échappé à la mondialisation et à l'industrialisation. Les poissons venus de tous les océans se retrouvent dans nos assiettes, mais cela engendre des conséquences sur la biodiversité et l'épuisement des réserves de poissons. Pour mieux comprendre ce qui se joue dans nos océans, "Le dessous des cartes" vous entraîne dans un tour du monde de la pêche.
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Carte du réseau mondial de câbles sous-marins en fibre optique
 
Au Sénégal, la pêche artisanale fragilisée par l’arrivée des chalutiers chinois
La surpêche industrielle pratiquée par les navires chinois déstabilise un secteur qui emploie 17 % de la population active sénégalaise. Les pêcheurs locaux réclament la « transparence » sur les activités de ces bateaux au large des côtes de leur pays.
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https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/03/26/les-aires-marines-europeennes-ne-sont-pas-protegees-de-la-peche-au-chalut_6224217_3244.html

Les aires marines européennes ne sont pas protégées de la pêche au chalut

Sur 6,2 millions d’heures de ce type de pêche dans les eaux européennes en 2023, 1,6 million ont eu lieu dans une aire marine protégée, selon un rapport de l’ONG Bloom.

<img src="https://img.lemde.fr/2017/04/27/0/0/4256/2832/664/0/75/0/d1afc59_9426-1wqfcku.rd8uk81tt9.jpg" alt="Des bâteaux de pêche à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), le 5 mars 2014."> Des bâteaux de pêche à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), le 5 mars 2014. FRANK PERRY / AFP

L’Union européenne (UE) s’est fixée pour objectif de protéger 30 % de ses eaux d’ici à 2030, dont un tiers strictement. Elle l’a officiellement inscrit dans sa stratégie en faveur de la biodiversité en 2020. Mais protéger quoi ? Uniquement telles ou telles espèces de poissons, des oiseaux marins, des fonds fragiles, ou bien un écosystème dans son intégralité ? Si l’UE a précisé que cette décision excluait la pêche industrielle dans la totalité de ces aires marines protégées (AMP), et même toute forme de pêche dans le tiers d’entre elles le plus étroitement surveillé, elle en est très loin aujourd’hui.

Selon l’étude que l’association Bloom publie mardi 26 mars, en 2023, le chalutage soit de fond soit pélagique (qui vise de petits poissons en pleine eau) a cours dans 63 % de la surface des AMP européennes. Il y est même plus intense qu’à l’extérieur de ces zones. L’Espagne, la France et l’Italie arrivent en tête des Etats membres où le chalutage est le plus important et concentrent à elles trois 69 % de l’effort de pêche dans les AMP. Bloom observe que sur 6,2 millions d’heures de ce type de pêche dans les eaux européennes, 1,6 million ont lieu dans une AMP, soit environ un quart. Elle en déduit l’absence de protection contre cette technique de pêche dans cette partie du monde.

Bloom ne livre pas de clés pour comprendre pourquoi ces zones attirent autant les pêcheurs au chalut. Parce qu’elles ont été créées sur des zones poissonneuses à préserver ? Ou parce que leur protection les rend plus poissonneuses ? « Trop de facteurs entrent en jeu », répond Raphaël Seguin, doctorant en écologie marine, l’un des coauteurs. Les règles de protection à l’œuvre dans les AMP, aux statuts très divers, sont en effet variables.

Un exercice statistique qui a ses limites

Quoi qu’il en soit, la montée en puissance de la plate-forme Global Fishing Watch a changé le travail des ONG mobilisées depuis longtemps sur la défense de l’environnement marin et augmenté leur capacité d’analyse de ce qu’il se passe en mer, loin des regards. Bloom y a eu recours pour cette étude. Elle a ainsi croisé 6 millions d’observations satellitaires avec les données cartographiques du Programme des Nations unies pour l’environnement, qui a répertorié près de 6 800 aires protégées en Europe.

Ce travail concerne uniquement les navires de plus de 15 mètres, tenus de se doter d’un système d’identification automatique (AIS) et de le laisser allumé. Il a permis au passage de repérer quelques navires usines de plus de 80 mètres de long, dont l’Annelies-Ilena, dans lequel la compagnie des pêches de Saint-Malo a récemment investi. Le Scombrus et le Joseph Roty II se distinguent, avec plus de 250 heures passées à opérer dans une AMP.

L’exercice statistique comporte cependant des limites. Une AMP peut par exemple apparaître comme préservée du chalutage non pas parce qu’elle est efficacement gérée, mais parce qu’elle se situe dans une bande côtière où les navires de plus de 15 mètres naviguent difficilement. D’autres peuvent donner l’impression d’être surexploitées à cause de leurs tailles réduites. Le rapport fournit donc des indications à la fois sur l’effort de pêche (mesuré en nombre d’heures) et sur son intensité rapportée au km2.

Espagne, France et Italie en bas du classement

C’est une AMP française, le Talus du golfe de Gascogne, qui se classe comme la plus chalutée en Europe, avec près de 202 000 heures. Elle est aussi particulièrement vaste : elle s’étend au large, du nord de la Bretagne jusqu’aux Landes, sur 71 600 km2. Elle est classée d’importance communautaire Natura 2000 depuis 2021, mais ne dispose pas encore de documents d’objectifs ni d’« analyse risque pêche », c’est-à-dire les éléments qui correspondent à une gestion effective d’une AMP. Cette situation s’explique par manque de personnel à l’Office français de la biodiversité, rapporte Bloom.

Avec l’Italie et Monaco, la France est aussi partie prenante du Sanctuaire Pelagos pour la conservation des mammifères marins. Celui-ci arrive au deuxième rang en comptabilisant 143 000 heures de pêche pour 87 500 km². Le classement change grandement si l’on considère l’intensité de la pêche au km². Ce sont alors des sites du nord de l’UE qui sont le plus concernés, en particulier l’AMP danoise Hirsholmene.

Le rapport présente une analyse des situations dans chacun des Etas membres. L’Espagne figure en tête des mauvais élèves, par le nombre de bateaux de pêche qui opèrent dans les 19,2 % de sa zone économique exclusive ayant un statut de protection, aussi bien en superficie qu’en pression au km². La France, l’Italie, l’Allemagne et les Pays-Bas la suivent.

Bloom recommande à l’UE de saisir l’occasion de la conférence de l’ONU sur l’océan, qui doit se tenir à Nice en juin 2025, pour « clarifier sa position » et décider quels sont les standards qui constituent une aire marine protégée. Un travail déjà effectué par l’Union internationale pour la conservation de la nature, rappelle-t-elle.


Martine Valo, Le Monde.fr, 26 mars 2024.

https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/06/03/de-la-surface-jusqu-aux-abysses-le-monde-oceanique-se-degrade-a-un-rythme-sans-precedent-alerte-l-unesco_6237075_3244.html

« De la surface jusqu’aux abysses », le monde océanique se dégrade à un « rythme sans précédent », alerte l’Unesco

Fruit de la collaboration d’une centaine d’auteurs de 28 pays, le rapport de la Commission océanographique intergouvernementale publié lundi 3 juin dresse un état des lieux inquiétant du monde océanique.

<img src="https://img.lemde.fr/2024/06/01/0/0/3638/2425/664/0/75/0/29b0000_1717238749606-000-32kk4ba.jpg" alt="Palétuviers dans la région de Hamata (Egypte), en septembre 2022. La perte des herbiers, mangroves, vasières et marais côtiers est évaluée de 20 % à 35 % depuis 1970."> Palétuviers dans la région de Hamata (Egypte), en septembre 2022. La perte des herbiers, mangroves, vasières et marais côtiers est évaluée de 20 % à 35 % depuis 1970. KHALED DESOUKI / AFP

L’océan a beau jouer un rôle essentiel dans le cycle du carbone sur cette planète – il en contient quarante fois plus que l’atmosphère –, donc crucial pour les conditions de vie sur Terre, les activités humaines le malmènent, le conduisent à absorber une chaleur excédentaire croissante. Ce réchauffement compterait pour 40 % dans l’élévation moyenne du niveau des mers de plus en plus rapide – elle a doublé ces trente dernières années, pour atteindre environ 9 centimètres.

Physiquement, chimiquement, l’état du monde océanique se dégrade. Il perd de son oxygène – entre 0,83 % et 2,42 % au cours des soixante dernières années –, devient plus acide, pâtit d’une contamination généralisée, aux pollutions, plastiques en particulier.

Ces mutations affectent l’intégralité du monde marin. Le réchauffement, en particulier, « de la surface jusqu’aux abysses, se produit à un rythme sans précédent et s’accélère », alerte l’Unesco, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, qui publie, lundi 3 juin, le « Rapport sur l’état de l’océan 2024 ».

Fruit de la collaboration d’une centaine d’auteurs de vingt-huit pays, cette synthèse émane de la Commission océanographique intergouvernementale (COI), l’organe de coopération sur les sciences océaniques de l’Unesco. Elle a pour but de rendre compte des progrès des connaissances dans le cadre de la « décennie des sciences de l’océan » sous l’égide des Nations unies, et d’identifier les manques dans la recherche.

Perte des herbiers et mangroves

On y trouve un recensement des catastrophes en partie déjà annoncées par les experts du climat et de la biodiversité, ainsi que quelques éléments moins souvent évoqués mais tout aussi alarmants. Les proliférations d’Alexandrium – une microalgue qui produit des neurotoxines capables d’entraîner des paralysies – y sont, par exemple, répertoriées. Le rapport détaille aussi les effets de la perte des herbiers, mangroves, vasières et marais côtiers, évaluée à 20 % à 35 % depuis 1970, alors qu’ils constituent pourtant des refuges pour la faune et des champions du stockage de carbone.

Pour Vidar Helgesen, secrétaire exécutif de la COI et sous-directeur de l’Unesco, la pire nouvelle qui se dégage de ce sombre tableau tient sans doute à l’absence de progrès dans le soutien de la recherche malgré l’urgence de la situation. Cependant, la question va bien au-delà désormais, estime cet ancien ministre de l’environnement de la Norvège. « Même si nous devons nous doter de moyens pour mieux comprendre ce qui se passe et prendre la mesure des conséquences de long terme, nous ne pouvons pas reporter l’action à plus tard, affirme-t-il. Nous n’avons pas la connaissance complète de ce qui se passe dans l’océan, mais nous en savons bien assez pour agir ! La crise de l’océan est dramatique et chaque année, chaque mois, chaque jour, elle s’aggrave. »

C’est pourquoi ce rapport de l’Unesco s’adresse en priorité aux décideurs politiques et économiques. Même s’il n’y a pas de circonscription d’électeurs dans le monde marin, comme le glisse malicieusement Vidar Helgesen, les impacts directs sur toute une série d’activités, comme l’énergie renouvelable, et surtout sur la nutrition humaine vont se faire sentir, souligne-t-il.

Actuellement, la pêche et l’aquaculture fournissent dans le monde 182 millions de poissons et de coquillages, ainsi que 36 millions de tonnes d’algues. Quand cette manne va s’affaiblir, l’ensemble des prix alimentaires vont grimper.

Désoxygénation et l’acidification

A ces effets très concrets sur Terre répondent des bouleversements profonds. Le rythme du réchauffement des 2 000 premiers mètres sous la surface a doublé au cours des vingt dernières années. Et ce coup de chaud est appelé à durer : 2023 est l’année qui a connu le plus d’anomalies de températures et de vagues de chaleur marine, en particulier dans l’Atlantique sous les tropiques et en Méditerranée. Les conséquences de l’élévation des températures sont multiples : celle-ci peut modifier les grands courants océaniques et renforcer la stratification de l’océan, freinant le mélange vertical entre les masses froides et chaudes dans la colonne d’eau.

Le réchauffement couplé à la désoxygénation et l’acidification « peuvent entraîner des changements spectaculaires dans les assemblages d’écosystèmes, la perte de biodiversité, l’extinction de populations, le blanchiment des coraux, les maladies infectieuses, des changements dans le comportement de la faune », dans ses modes de reproduction, dans la perte de ses habitats, soulignent les rapporteurs de la COI. Non seulement l’océan est affecté de multiples façons, mais ces impacts se renforcent mutuellement.

Ainsi la diminution des teneurs en oxygène est-elle liée aux températures qui grimpent, mais aussi aux pollutions diverses, en particulier l’azote – provenant en partie de l’industrie et surtout des fameux nitrates en excès issus de l’agriculture intensive. Ces déversements sont d’autant plus prolifiques lorsque les pluies diluviennes – dopées par le changement climatique – les poussent à la mer. Près des côtes et dans les golfes se multiplient les dead zones, des aires hypoxiques, c’est-à-dire déficitaires en oxygène dissous : 500 sont recensées à présent.

L’espoir des aires marines protégées

L’eutrophisation se généralise dans les régions littorales. Pourtant, ce sont là que viennent se reproduire poissons et crustacés et que se développent leurs petits. Néanmoins les concentrations en nitrates continuent d’augmenter surtout au Brésil, en Inde, en Chine, générant des proliférations d’algues, dont certaines sont toxiques. Grâce à un important travail de recensement collaboratif, les scientifiques estiment que sur 10 000 espèces de phytoplancton marin, 200 produisent des toxines. Un cauchemar pour les aquaculteurs qui peuvent y perdre l’intégralité de leur élevage de plusieurs millions de saumons par exemple.

Enfin, le chapitre sur les aires marines protégées fournit la petite lueur d’espoir de ce rapport. Les biologistes observent qu’elles accueillent de nombreuses espèces menacées, du moins celles dont la réglementation a sérieusement restreint la pêche.

Martine Valo, Le Monde.fr, 3 juin 2024.

https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/01/06/metaux-rares-ces-entreprises-lancees-dans-la-course-aux-abysses_6156802_3234.html

Métaux rares : ces entreprises lancées dans la course aux abysses

Si la France a renoncé à explorer les grands fonds océaniques, de jeunes sociétés testent des engins pour collecter, par 6 000 mètres de fond, des nodules polymétalliques qui pourraient satisfaire les besoins mondiaux en batteries. Avec de fortes incertitudes sur l’impact environnemental d’une telle activité.

<img src="https://img.lemde.fr/2023/01/05/0/0/6720/4480/664/0/75/0/f7c62f1_1672928319170-gettyimages-1234090775.jpg" alt="Gerard Barron, le PDG de la société canadienne The Metals Company, à San Diego (Californie), le 8 juin 2021."> Gerard Barron, le PDG de la société canadienne The Metals Company, à San Diego (Californie), le 8 juin 2021. CAROLYN COLE / LOS ANGELES TIMES VIA GETTY IMAGES

Le passage à un monde décarboné gît-il par 6 000 mètres de fond, au milieu des océans ? La société canadienne The Metals Company (TMC) en est convaincue, considérant que les abysses regorgent des métaux rares servant à fabriquer les batteries dont la planète a tant besoin pour lutter contre le réchauffement climatique. Un trésor inestimable, avant tout pour l’automobile, à l’heure du tout-électrique.

Fin décembre 2022, TMC a achevé une série de seize essais pilotes au milieu du Pacifique. Son but était de ramasser des millions de nodules polymétalliques entre le Mexique et Hawaï, dans une zone des eaux internationales aussi vaste que le Canada appelée Clarion-Clipperton. Ces nodules mesurent de 1 à 15 centimètres de diamètre et reposent sur le fond, dans la vase.

Les photos prises par les robots explorateurs sont impressionnantes : dans le faisceau des projecteurs, elles montrent, à perte de vue, des étendues couvertes de sphères noires sur lesquelles déambulent de rares animaux, poissons, crustacés, mollusques… Durant deux mois, TMC a envoyé à 4 400 mètres de profondeur un gros engin à chenilles aux allures de moissonneuse-batteuse, une dizaine de mètres de long et autant de large, qui a aspiré 3 000 tonnes de nodules et les a remontés à la surface, en les poussant dans une conduite à air comprimé, au rythme de 86 tonnes par heure. Ces derniers ont été lavés, triés et stockés dans les cales d’un bateau ayant 130 techniciens à son bord, avant de rentrer à Vancouver (Colombie-Britannique).

C’est parce que le changement climatique a pris une tournure dramatique que se réveillent aujourd’hui les convoitises

On le sait depuis les années 1960 : le fond des océans, ce monde du silence où règne l’obscurité la plus complète, abrite quantité de minerais. C’est parce que le changement climatique a pris une tournure dramatique que se réveillent aujourd’hui les convoitises. Celles des fabricants de batterie, avides de cobalt, de nickel, de manganèse, de cuivre… mais aussi celles de la sidérurgie, de l’industrie des semi-conducteurs ou des piles à combustible, intéressées par d’autres éléments – platine, molybdène, tellure, vanadium – présents, eux aussi, au fond des océans.

<img src="https://img.lemde.fr/2023/01/05/0/0/2500/1419/664/0/75/0/4b910f6_1672928379807-000-fm8o7.jpg" alt="Des nodules de manganèse découverts à 5 500 mètres de profondeur, dans la zone économique exclusive du Japon, en avril 2016."> Des nodules de manganèse découverts à 5 500 mètres de profondeur, dans la zone économique exclusive du Japon, en avril 2016. HO / AFP

Chiffres « très approximatifs »

Les métaux rares n’ont pas été repérés que dans les nodules des plaines abyssales. On en trouve au milieu de l’Atlantique, le long de la dorsale montagneuse qui s’étire du pôle Sud à l’Islande. Un paysage hérissé de cheminées hydrothermales, par lesquelles remontent les minerais sulfurés originaires de l’écorce terrestre. Ils peuplent aussi les régions traversées par de forts courants marins, cachés dans des encroûtements cobaltiques de 10 à 30 centimètres d’épaisseur.

D’après l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), organisme intergouvernemental chapeauté par les Nations unies, la seule zone de Clarion-Clipperton (4,5 millions de kilomètres carrés) compterait jusqu’à 34 milliards de tonnes de nodules avec, en leur sein, 340 millions de tonnes de nickel et 275 millions de tonnes de cuivre. Vertigineux, quand on sait que les ressources mondiales de nickel sur la terre ferme sont évaluées à 300 millions de tonnes et celles de cuivre, à 800 millions de tonnes.

Ces chiffres sont jugés « très approximatifs » par la communauté scientifique. Si l’on en croit une étude publiée en avril 2022 par l’US Geological Survey, autorité responsable des sites protégés aux Etats-Unis, il y aurait, en fait, dans la zone de Clarion-Clipperton, « 21 milliards de tonnes sèches de nodules polymétalliques ».

Quoi qu’il en soit, « si l’exploitation minière des grands fonds océaniques suivait le parcours qu’a connu la production de pétrole offshore, on peut prédire que la mer fournirait de 35 % à 45 % des besoins mondiaux en métaux rares d’ici à 2065 », estime cette institution.

« Farfelu », « irréaliste », « spéculatif »

Avant sa campagne d’automne, l’entreprise TMC s’était prévalue du parrainage de la république de Nauru, un Etat insulaire d’Océanie (10 000 habitants), pour obtenir de l’AIFM le droit d’explorer un territoire sous-marin de 75 000 kilomètres carrés de superficie. Un peu plus grand que l’Irlande, celui-ci serait parsemé de 866 millions de tonnes de nodules.

« Avec ça, il y a de quoi fabriquer 280 millions de batteries automobiles et équiper un quart de la flotte mondiale de voitures particulières », affirme, bravache, Gerard Barron, le PDG de TMC, qui s’apprête à explorer deux autres zones de même étendue, avec la bénédiction du royaume polynésien de Tonga et des atolls de Kiribati. Objectif : obtenir de l’AIFM, d’ici à juillet 2023, un code minier à ce jour inexistant, pour lancer la production.

« Farfelu », « irréaliste », « spéculatif », commentent ses détracteurs, qui soulignent que The Metals Company, née en 2011 sous le nom de DeepGreen, a surtout besoin de rassurer les investisseurs. Cotée au Nasdaq depuis septembre 2021, la firme ne génère aucun chiffre d’affaires et, après avoir dépassé les 15 dollars (14 euros), son cours de Bourse surnage depuis un an autour de 0,8 dollar. Elle est poursuivie en justice par une action de groupe d’actionnaires qui lui reprochent d’avoir surestimé ses promesses d’activité.

Son image est, en outre, entachée par un article du New York Times paru en août 2022, selon lequel M. Barron aurait bénéficié de faveurs de la part de l’AIFM. Dès 2007, il aurait eu accès, avec d’autres futurs dirigeants de TMC, à des informations confidentielles lui ayant permis de connaître les parcelles de fonds marins les plus riches en minerais, pour en obtenir l’accès avant ses concurrents. L’entrepreneur dément. La demande de TMC d’explorer la zone dévolue à la République de Nauru en 2011 a été « conforme aux exigences des règlements de l’AIFM alors en vigueur », assure-t-il.

Biodiversité des grandes profondeurs

Devant cet eldorado à portée d’aspirateur, M. Barron ne comprend pas l’annonce faite le 7 novembre par Emmanuel Macron à la COP27 de Charm El-Cheikh (Egypte). « La France soutient l’interdiction de toute exploitation des grands fonds marins », avait déclaré le président français, rejoignant ainsi la position de l’Allemagne, de l’Espagne, de la Nouvelle-Zélande, du Chili, du Costa Rica, du Panama et de plusieurs pays insulaires du Pacifique. « Je croyais que nous devions nous diriger vers une économie décarbonée. L’Agence internationale de l’énergie l’a dit, si l’on veut réussir la transition énergétique, il va falloir augmenter l’extraction minière de 600 % d’ici à 2040. La question, c’est où ? Et à quel coût ? », assène M. Barron.

Et avec quel impact ? ajoutent les scientifiques. « L’argument économique peut être entendu, dès lors que nos sociétés ont choisi un modèle de développement qui va entraîner un besoin phénoménal en métaux rares », note le géophysicien Boris Marcaillou, directeur adjoint du laboratoire Géoazur, à Nice. Ce faisant, prévient-il, « on occulte des sujets environnementaux fondamentaux ».

La biodiversité des grandes profondeurs, par exemple. L’AIFM indique avoir identifié, dans la zone de Clarion-Clipperton, « 653 espèces animales », dont près d’un tiers étaient jusqu’ici inconnues. Or, l’exploitation des fonds marins pourrait générer « des panaches de sédiments et du bruit au fond de la mer et dans la colonne d’eau » susceptibles d’avoir « des effets écologiques considérables » entre 200 mètres et 5 000 mètres de profondeur, a alerté, en 2020, l’Académie nationale des sciences des Etats-Unis. Car les écosystèmes de ces eaux « moyennes profondes » représentent « plus de 90 % de la biosphère » et contiennent une biomasse de poissons « cent fois supérieure à la capture annuelle mondiale de poissons ».

En 2019, des chercheurs allemands sont partis voir comment avait évolué une zone explorée en 1989, au large du Pérou. Leurs résultats, publiés en avril 2020 par la revue Science, sont inquiétants : « Les traces de charrue étaient encore visibles, indiquant les sites où les sédiments ont été soit retirés, soit compactés. Localement, l’activité microbienne a été réduite jusqu’à quatre fois dans les zones affectées (…), et les estimations de croissance suggèrent qu’il faudra plus de cinquante ans pour revenir à des niveaux non perturbés. »

Une chance inespérée

S’ajoute à cela le problème des rejets depuis la surface. Les bateaux où sont remontés les nodules polymétalliques devraient effectuer des traitements à bord et rejetteraient des sédiments à 200 mètres ou 300 mètres de profondeur. « Ces opérations auraient un impact sur la pompe à carbone, processus qui capte à la surface des océans 30 % du carbone envoyé dans l’atmosphère par les activités humaines. Entre 200 mètres et 1 000 mètres, il est impossible d’estimer les dommages causés aux nombreux organismes qui se nourrissent des matières en suspension, ou qui s’écoulent le long de la colonne d’eau et contribuent à la séquestration du carbone », s’inquiète l’océanographe et microbiologiste Christian Tamburini, chercheur au CNRS.

La Norvège a été la première à mettre au point une technique de collecte des nodules, dès les années 1990

Renoncer aux nodules sous-marins équivaudrait néanmoins à se tirer une balle dans le pied, jugent la vingtaine d’opérateurs lancés dans la course à l’exploration des eaux internationales : l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) pour la France, mais aussi deux opérateurs chinois, un coréen, un russe, un singapourien, un allemand, un britannique, un polonais, un brésilien… Parmi les pays s’affichant comme les plus allants figurent l’Inde et le Japon.

Sans compter la Norvège, qui a été la première à mettre au point une technique de collecte des nodules, dès les années 1990. Celle-ci préfère pour l’heure explorer ses eaux territoriales, échappant de ce fait aux règles de l’AIFM. Sur le plateau continental scandinave, prétend Oslo, il pourrait y avoir plusieurs millions de tonnes de métaux rares. Une chance inespérée, alors que se profile la fin du pétrole, principale richesse du pays jusqu’ici.

La Belgique est, elle aussi, dans les starting-blocks, avec Global Sea Mineral Resources (GSR), filiale du groupe de travaux maritimes DEME, créé en 2012. « Les océans couvrent 70 % de la planète et rien que dans la zone de Clarion-Clipperton, on trouve plus de nickel, de cobalt et de manganèse que sur terre. Pour réussir la transition énergétique, on n’en sait pas encore assez pour dire qu’il ne faut pas aller exploiter cette zone », résume Kris Van Nijen, directeur général de GSR, qui s’étonne également de la prise de position d’Emmanuel Macron.

« Cette affaire masque un vrai débat de société »

En juin 2022, la mission d’information du Sénat français sur le sujet considérait qu’il était « prématuré de se prononcer », car « l’impact de l’extraction minière sur le fonctionnement des écosystèmes [devait] être préalablement évalué ». Elle s’interrogeait même sur les besoins, « compte tenu des ressources alternatives potentielles et de l’évolution prévisible des marchés ». Dans les grandes profondeurs, avance M. Van Nijen, la flore est « inexistante » et la faune, « composée à 87 % de micro-organismes ».

Certaines organisations non gouvernementales (ONG) pensent que les panaches de sédiments soulevés par les engins sous-marins se disperseraient durablement, sur des kilomètres. Lui brandit une étude parue dans Science en septembre 2022, où des chercheurs affirment que « de 92 % à 98 % » de ces nuages se redéposent rapidement, après s’être élevés de « moins de 2 mètres au-dessus du fond », au passage de la « moissonneuse-batteuse ».

« Cette affaire masque un vrai débat de société », dénonce Javier Escartin, chercheur à Normale-Sup et spécialiste, au CNRS, de l’exploitation marine profonde. « Ceux qui convoitent les gisements sous-marins ne mettent en avant que le nombre de voitures électriques dont l’humanité va avoir besoin, en prenant pour référence l’usage que fait de l’automobile le ménage américain moyen. On pourrait aussi envisager d’avoir moins de voitures. Et des voitures plus légères », avance-t-il. « Fabriquer des Tesla de 3,5 tonnes pour transporter une personne de 70 kilos, ça n’a pas de sens ! »

En attendant, la société GSR a mené, avec le soutien financier de l’Union européenne, sept expéditions exploratoires dans le Pacifique. Elle espère entrer en exploitation en 2028. Sa moissonneuse-batteuse (9 mètres de long pour un poids de 35 tonnes) ne travaillerait que là où la quantité de nodules dépasse le seuil de rentabilité, chiffré à 12 kilos par mètre carré. « Sur terre, il faut construire des infrastructures pour accéder aux mines. En mer, on est loin des côtes, et on a juste besoin d’un bateau et d’un robot », fait valoir M. Van Nijen.

« Les majors sont toujours frileuses »

Les ONG comme Greenpeace s’affolent des risques auxquels l’exploitation minière exposerait les abysses et leurs écosystèmes. En fabriquant des batteries avec des minerais sous-marins, « on réduit de 40 % les émissions de CO2 de la filière batterie par rapport à la moyenne des mines terrestres », rétorque le dirigeant de GSR, qui ajoute que l’exploitation minière diminuera à terme, grâce au recyclage des métaux en circulation.

A ce stade, seul le géant anglo-suisse Glencore est sorti du bois, en s’engageant à acheter 50 % du nickel et du cuivre que le canadien TMC pourrait un jour remonter du Pacifique

Manifestement, l’argument ne convainc pas les constructeurs automobiles. BMW, Renault, Volkswagen, Volvo et Tesla, de même que des géants du high-tech comme Google et Samsung, ont signé un appel à moratoire, à l’invitation de Greenpeace. Tous se sont engagés à n’utiliser « aucune ressource minière provenant des grands fonds », au nom du principe de précaution.

A ce stade, les grands groupes miniers font eux-mêmes la fine bouche. Seul le géant anglo-suisse Glencore est sorti du bois, en s’engageant à acheter 50 % du nickel et du cuivre que le canadien TMC pourrait un jour remonter du Pacifique. L’anglo-australien Rio Tinto jure, lui, « ne pas être impliqué dans l’exploration minière des grands fonds marins ». « Il ne fait aucun doute que la mer recèle de gros volumes de métaux correspondant aux besoins de la transition énergétique, mais peut-on les extraire et les traiter d’une manière qui protège le délicat environnement marin ? C’est la question à laquelle il faudra répondre », explique James Wyatt-Tilby, porte-parole du britannique Anglo American.

« Quand il y a de la nouveauté, les majors sont toujours frileuses et laissent des petites sociétés prendre les risques. Si ça marche, elles finiront par les racheter », parie Jean-Marc Daniel, responsable des écosystèmes de fond de mer à l’Ifremer, établissement public qui testait ces dernières années ses propres matériels, notamment le submersible Nautile, une sphère de titane capable d’emmener trois personnes jusqu’à 6 000 mètres de profondeur, et le robot autonome UlyX, un drone sous-marin qui a effectué sa première mission d’essai à l’été 2022. Des engins à l’avenir incertain, maintenant que la France ne veut plus descendre dans les abysses, sans toutefois avoir fait une croix sur l’exploration.


Guillaume Delacroix, Le Monde.fr, 6 janvier 2023.

Pourquoi la Grèce et la Turquie s’affrontent en Méditerranée orientale


La Grèce et la Turquie sont-elles au bord de l’affrontement armé en Méditerranée orientale ? Les deux pays suscitent les inquiétudes de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) depuis une soudaine montée des tensions, le 10 août.

A cette date, la Turquie envoie le navire de prospection sismique Oruç Reis, escorté de navires de guerre, pour sonder les fonds marins d’une zone qu’elle dispute à la Grèce, à la recherche d’hydrocarbures. Le navire a beau avoir regagné les côtes turques dimanche 13 septembre, Ankara a assuré qu’elle ne renonçait pas à ses droits dans cette zone de Méditerranée orientale.


En réponse, Athènes a lancé des manœuvres navales, auxquelles ont répondu des exercices militaires turcs, accompagnés d’une surenchère de menaces entre la Turquie, la Grèce, Chypre, mais aussi la France, voire l’Union européenne, jusqu’à l’annonce par la Grèce, le 12 septembre, d’un « important » programme d’achat d’armes. Ce bras de fer n’est cependant que le dernier acte d’un conflit latent depuis des décennies entre la Grèce et la Turquie au sujet du partage des eaux en mer Egée et Méditerranée orientale.


  • Que dit le droit international sur le partage des eaux ?
Pour comprendre les tensions gréco-turques, il faut avoir en tête quelques notions de droit maritime.Premièrement, celle de « mer territoriale ». Depuis 1982, la largeur des eaux territoriales peut atteindre 12 milles depuis les côtes (environ 22,2 km) et l’Etat y dispose des mêmes droits que sur son territoire terrestre. Dans le cas de la Turquie et de la Grèce, la limite est fixée à 6 milles depuis 1936. Si la Grèce décidait d’étendre sa mer territoriale à 12 milles, comme elle l’a laissé entendre ces dernières semaines et comme le droit l’y autorise les Turcs ne pourraient plus traverser la mer Egée sans passer par les eaux grecques, tant les îles sont nombreuses. Ce serait « un motif de guerre », a prévenu la Turquie début septembre.
La seconde notion d’importance est celle de zone économique exclusive (ZEE), instaurée parla convention dite de Montego Bay de 1982. D’unelargeur maximale de 200 milles (environ 370 km), la ZEE assure à l’Etat côtier un droit exclusif à l’exploration, à l’exploitation et à la gestion des ressources de la zone. Dit autrement : tout ce qui est découvert dans la ZEE d’un pays lui appartient. Si un Etat démontre que son territoire terrestre se prolonge sur le fond des océans au-delà des 200 milles de la ZEE, il peut également demander à étendre ce qu’on appelle son « plateau continental » jusqu’à 350 milles (650 km) et en exploiter ainsi le sol et le sous-sol.


  • Pourquoi la délimitation des ZEE pose-t-elle problème en Méditerranée orientale ?
Ces règles, la Grèce les revendique, la Turquie les rejette. « Ils vont comprendre que la Turquie est assez forte politiquement, économiquement et militairement pour déchirer les cartes et les documents immoraux », a ainsi déclaré le président turc, Recep Tayyip Erdogan, début septembre.Car le cadre juridique fixé par la convention de Montego Bay n’apporte que peu de réponses en Méditerranée orientale. D’abord parce que la Turquie n’a jamais signé le texte. Ensuite, parce que les côtes sont de toute façon trop proches pour établir des ZEE de 200 milles. Dans ces cas-là, le droit international invite les Etats à négocier des accords bilatéraux pour délimiter leur ZEE à équidistance, mais la Grèce et la Turquie n’ont jamais trouvé de terrain d’entente. Pour la Grèce, la limite de son territoire se situe sur les côtes de ses îles les plus à l’est et au sud de la mer Egée, soit à quelques kilomètres seulement des côtes turques, réduisant la ZEE d’Ankara à la portion congrue. La Turquie revendique, elle, une ZEE bien plus large qui correspondrait à son plateau continental (la prolongation de son territoire terrestre sur le fond marin), et engloberait une bonne partie des îles grecques. Deux positions inconciliables. Le fait que la Turquie ait déployé l’Oruç Reis au large de l’île de Kastellorizo ne doit donc rien au hasard. Ce petit territoire grec de 9 km² permet théoriquement à la Grèce d’étendre sa ZEE en Méditerranée jusqu’à rejoindre celle de Chypre. Mais l’île est située à deux kilomètres des côtes turques et ne devrait donc, selon Ankara, donner aucun droit à la Grèce sur les ressources des milliers de km² de mer qui l’entourent, et qui se trouvent de surcroît sur le plateau continental turc.

  • Pourquoi la situation s’est-elle détériorée ces derniers mois ?
Les différends territoriaux entre la Grèce, ancien territoire de l’Empire ottoman, et la Turquie datent de plus d’un siècle. Dans la période récente, lorsque la Turquie recherchait du pétrole en mer Egée, les deux pays se sont déjà opposés dans les années 1970 et avaient frôlé l’affrontement armé pour cette même raison en 1987, puis à nouveau en 1996 en se disputant la souveraineté d’îlots. Mais le conflit a pris une tout autre dimension avec la découverte, ces dix dernières années, d’importantes réserves de gaz naturel en Méditerranée orientale. Réserves dont la Turquie n’a pas bénéficié, faute, estime-t-elle, d’une reconnaissance de ses droits sur certaines zones disputées. Parmi les fonds marins richement dotés en nouveaux gisements, il y ceux de Chypre, une île au cœur d’un vieil affrontement entre Athènes et Ankara. Depuis l’annexion du tiers nord par la Turquie en 1974, l’île est divisée entre la République de Chypre au sud, à majorité grecque et membre de l’UE, et la République turque de Chypre du Nord (RTCN), reconnue par la seule Turquie. Ankara fait valoir que la RTCN doit bénéficier de sa propre ZEE, qui ampute d’autant celle de la République de Chypre, en plus de revendiquer une partie de la ZEE chypriote. Avant l’Oruç Reis en zone grecque, la Turquie avait ainsi déjà déployé trois navires de forage dans les eaux de Chypre.

Dans la course à l’appropriation des zones maritimes relancée par le gaz, Recep Tayyip Erdogan et le chef du gouvernement d’accord national libyen, Faïez Sarraj, ont également conclu fin 2019 un accord délimitant leurs ZEE, octroyant à Ankara des droits sur une vaste zone en grande partie revendiquée par la Grèce. En réponse, la Grèce, Chypre et Israël ont accéléré, début 2020, la signature d’un accord pour construire le gazoduc sous-marin EastMed, permettant de transporter le gaz des réserves situées au large des trois pays, puis vers le reste de l’UE – en passant par des zones revendiquées par Ankara. Ce projet – dont la faisabilité n’est pas établie – pourrait non seulement faire d’Athènes un acteur énergétique majeur dans la région, mais également concurrencer les gazoducs transitant par la Turquie. La Grèce a aussi délimité sa ZEE avec l’Italie en juin 2020, puis avec l’Egypte en août 2020. Quatre jours plus tard, la Turquie déployait l’Oruç Reis en réponse à ce qu’elle a considéré comme « une violation du plateau continental et des droits de la Turquie et de la Libye ».


  • Quelle est la position de l’Union européenne ?

Les pays de l’UE ont eu, jusqu’alors, du mal à adopter des déclarations communes face à la Turquie. La France, qui entretient des relations difficiles avec Ankara depuis quelques années, encore détériorées depuis leur opposition dans le conflit libyen, a annoncé dès le 13 août l’envoi de deux Rafale et deux bâtiments de la marine nationale pour soutenir la Grèce. Emmanuel Macron a appelé la semaine dernière ses partenaires européens à « être clairs et fermes avec le gouvernement du président Erdogan qui, aujourd’hui, a des comportements inadmissibles », ajoutant que la Turquie n’était « plus un partenaire dans cette région ». Le 10 septembre, la France, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, Chypre, Malte, l’Espagne et le Portugal ont prévenu la Turquie que l’UE serait prête à prendre des sanctions si Ankara ne « met[tait]pas un terme à ses activités unilatérales ». Mais le soutien des autres pays européens – et notamment de l’Allemagne – à des sanctions contre la Turquie est difficile à obtenir. Le pacte migratoire de 2016 y est pour beaucoup, Ankara agitant fréquemment la menace d’ouvrir ses frontières vers l’Europe aux réfugiés se trouvant sur son territoire. L’Allemagne, qui assure la présidence tournante de l’UE, est par ailleurs le premier partenaire commercial européen de la Turquie et compte une importante communauté turque sur son territoire.

Par Eléa Pommiers Publié le 14/09/2020, Le Monde.fr.