Historien bien connu de la Première Guerre mondiale, Nicolas Offenstadt est un spécialiste des questions mémorielles et s’est intéressé depuis plusieurs années au souvenir et à la présence de la République
démocratique allemande (RDA, 1949-1990) dans l’Allemagne d’aujourd’hui
Le pays disparu. Sur les traces de la RDA, qui résulte de cette expérience singulière d’immersion et d’exploration urbaine (Urbex) à travers l’ancienne république communiste, est à coup sûr un grand livre qui connaît actuellement un succès mérité. (...)
Mais c’est aussi une grande leçon politique (« la dialectique de l’effacement, de la résistance et de la réinvention » pour reprendre les termes d’Offenstadt) que propose cette enquête passionnante sur les tables des vides-greniers, dans les musées et les hangars désaffectés, qui constitue une analyse fine de la transmission et de l’oubli au sein de l’Allemagne actuelle. Deux éléments fondamentaux frappent ainsi à la lecture de cet essai : d’une part le sentiment d’injustice de nombreux « Ossis », touchés dans leur identité (voire dans leur fierté, pour une poignée de purs et durs), sentant leur ancien pays renvoyé à la seule réalité d’un régime de police politique et de misère économique – ce qui a été largement véhiculé par le discours officiel de la RFA puis de l’Allemagne « réunifiée » –, alors que certains aspects que nombreux d’entre eux jugent positifs (la sécurité sociale, l’emploi des femmes, les services sociaux et l’éducation populaire) ont été mis sous silence depuis les années 1990 ;d’autre part, la dimension idéologique de « l’annexion » de la RDA par l’ex-RFA (pour utiliser les termes des anciens habitants). par Damien AUGIAS